Interview: Moustapha Ould Abeiderrahmane

Fuente: 
C.R.I.DE.M.
Fecha de publicación: 
17 Ene 2013

Dans cette interview, recueillie à quelques heures du déclenchement des frappes par la France sur les djihadhistes qui occupent le nord Mali depuis bientôt dix mois, Moustapha Ould Abdeiderrahmane, député à l’Assemblée Nationale et président du Renouveau Démocratique (RD), membre de la Convergence Patriotique constitué, outre le RD, d’ADIL et du MPR met le président de la République devant ses responsabilités face à la détérioration de la situation politique du pays, menacé aujourd’hui par une guerre ouverte au Mali.

Le devoir du président lui dicte d’assurer le rôle principal tendant à l’apaisement, pour aboutir au plus large consensus politique possible, avant l’organisation des élections attendues.

Faute d’un consensus général, le président du RD entrevoit la naissance d’un troisième bloc politique comprenant la CAP et la CP, un bloc qui soutient et travaille pour la mise en œuvre de l’initiative du président Messaoud Ould Boulkheir.

Ould Abeiderrahmane, qui multiplie des sorties médiatiques depuis quelques temps, évoque aussi la nécessité urgente de doter la CENI des moyens nécessaires pour l’organisation rapide d’élections municipales et législatives transparentes et inclusives.

Le Calame : L’Assemblée nationale vient d’approuver le budget 2013. Curieusement, le gouvernement n’y prévoit rien pour l’organisation, par la CENI, des prochaines élections. D’où va-telle, alors, tirer ses ressources ? L’absence d’un budget autonome n’entame-t-elle pas son indépendance et, donc, sa crédibilité ?

Moustapha Ould Abeiderrahmane : Avant de répondre à vos questions, permettez-moi de profiter de vos colonnes pour adresser mes meilleurs vœux à tous les militants, sympathisants de notre parti, ainsi que beaucoup de succès au Calame et à son équipe. En ce qui concerne la CENI, il va de soi que toutes les dispositions prévues par la loi qui l’organise doivent être appliquées, notamment son entière autonomie financière.

Il faut constater que l’Assemblée nationale a voté le budget de fonctionnement de cette structure pour l’année 2013, Il reste que les prévisions budgétaires proposées par la CENI, pour l’organisation, en 2013, des élections municipales et parlementaires, n’ont pas pu être encore discutées par le Parlement. Pourquoi ? On ne peut que se poser la question. Est-ce à dire que, du côté de l’exécutif, on ne souhaite plus organiser les élections cette année ?

Certaines rumeurs vont maintenant dans ce sens. Pour notre part, partis politiques de la majorité regroupés au sein de la Convergence Patriotique, nous n’avons cessé de demander, au gouvernement, de tout mettre en œuvre pour que de telles élections puissent se faire dans la transparence, suivant le plus large consensus possible et dans les plus brefs délais, pour éviter, à nos institutions municipales, parlementaires et exécutives, d’être perçues comme illégitimes, voire d’agir dans l’illégalité.

Il est évident que chaque jour qui nous éloigne de la date constitutionnelle de renouvellement de ces institutions – octobre 2011 – nous rapproche de cette sombre perspective pour l’opinion nationale et pour les partenaires internationaux. Or, la date prévue, par la Constitution, pour ce renouvellement, est désormais dépassée de plus d’une année. C’est dire que le gouvernement et la CENI doivent multiplier leurs efforts – notamment, en moyens matériels – pour venir à bout des problèmes techniques (enrôlement biométrique des citoyens, distribution des cartes d’identité, etc.) indispensables à l’établissement de listes électorales fiables.

C’est dire, également, que tous les acteurs politiques de la majorité et de l’opposition démocratique doivent avoir pour principale préoccupation la recherche des voies et moyens d’aboutir à une scène politique apaisée, afin que puisse se dégager un consensus indispensable permettant à tous de prendre part aux prochaines élections. De par ses responsabilités, son devoir vis-à-vis de la Nation et ses prérogatives constitutionnelles qui en font le garant du fonctionnement normal des institutions républicaines, le président de la République se doit de prendre les plus hardies initiatives en ce sens.

Déjà, l’essentiel de la société civile organisée, une partie importante de l’opposition et certains partis politiques de la majorité agissent de concert pour l’aboutissement de l’initiative du président de l’Assemblée nationale, Messaoud Ould Boulkheïr. Déjà, des partis importants regroupés au sein de la COD ont exprimé, notamment au cours de leurs récents congrès, leur intérêt pour cette importante proposition. Il faut que le débat en cours s’élargisse et s’approfondisse pour aboutir, le plus tôt possible, au consensus nécessaire à l’organisation de ces élections dont l’extrême limite de date ne peut pas dépasser fin juillet 2013.

La CENI doit mettre les bouchées doubles afin, non seulement, que les conditions techniques pour réaliser ces élections soient rapidement réunies mais, également, de prouver à tous sa crédibilité, en s’engageant fermement au rapprochement des acteurs politiques et à favoriser les conditions politiques requises pour des élections transparentes et honnêtes dont les résultats s’imposeront à tous. Aussi faut-il que la CENI dispose de tous les moyens matériels, notamment le budget demandé, indispensables à l’organisation et la gestion intégralement autonome des élections, en cette année 2013 et le plus tôt possible.

Lors de sa dernière interview avec RFI, le président de la République a écarté, tout en réaffirmant son attachement au dialogue avec l’opposition, l’idée du gouvernement « élargi » ou d’« union » que préconisait le président de l’Assemblée nationale, dans son initiative de sortie de crise que vous soutenez au sein de la Convergence Patriotique. Cette déclaration ne plombe-t-elle pas la proposition de Messaoud Ould Boulkheïr qui suscite, pourtant, l’adhésion de larges pans de la classe politique et de la société civile ?

Les déclarations du président de la République à propos de l’initiative du président Messaoud Ould Boulkheïr doivent être analysées et appréciées en prenant compte de tous les paramètres politiques, psychologiques et circonstanciels de la situation générale qui prévaut dans notre pays. A partir d’une telle analyse, comment peut-on croire qu’en dernier ressort, le président de la République puisse traiter avec mépris des propositions raisonnables de sortie de crise, venant d’un partenaire aussi indispensable que le président Messaoud Ould Boulkheïr ?

Comment peut-on croire que le président de la République soit si mal conseillé qu’il ne puisse percevoir l’écho considérable que reçoivent les propositions de sortie de crise de l’initiative en question, dans notre pays et parmi nos partenaires au développement, et qu’en la rejetant, il ne peut qu’accélérer l’isolement de son régime et approfondir la crise politique en Mauritanie ?

Comment peut-on croire que le président de la République soit si mal conseillé qu’il ne puisse mesurer la gravité des dangers qui menacent notre pays et desquels seul un large front national est en mesure de nous préserver ?

Depuis quelques temps, certains partis de la majorité mais, aussi, El Wiam du président Boydiel demandent l’organisation rapide d’élections municipales et législatives, pour dépasser la crise politique actuelle. A votre avis, les conditions d’un scrutin transparent, auquel pourraient participer tous les partis politiques qui comptent, sont-elles aujourd’hui réunies ? Sinon, que doivent faire la majorité et l’ensemble de l’opposition pour parvenir à un consensus minimal et aller à des élections inclusives et incontestables ?

Comme nous l’avons mentionné plus haut, il va de soi qu’à l’heure actuelle, ni les conditions techniques ni, encore moins, les conditions politiques ne sont encore réunies pour organiser de telles élections. Il faut donc que tous les acteurs politiques de l’opposition et de la majorité comprennent qu’en dehors d’une perspective de désordre et d’anarchie dans notre pays, il n’y a pas d’autre issue que de se regarder en face et de se faire des concessions. Nous considérons qu’étant donné les hautes responsabilités constitutionnelles du président de la République, son devoir lui dicte d’assurer le rôle principal tendant à l’apaisement, pour aboutir au plus large consensus politique possible, avant l’organisation des élections attendues.

De leur côté, la CENI et le gouvernement doivent multiplier les efforts, afin que les conditions « techniques » soient rapidement remplies : à savoir la validation du fichier électoral par la CENI, via une expertise indépendante. Une telle entreprise achevée, le gouvernement doit, non seulement, renoncer aux mille ouguiyas exigées des citoyens, pour l’acquisition de la nouvelle carte d’identité nationale, mais, aussi, engager toute l’administration territoriale pour la distribution de cette carte aux citoyens ; ce serait un signe positif de son engagement pour des élections honnêtes où les votes ne seront pas achetés.

Etant donné le degré de pauvreté et le bas niveau de conscience citoyenne dans le pays, comment verrait-on nos compatriotes s’acharner à retirer une carte nationale d’identité payante ? Dans les conditions actuelles, ce n’est envisageable qu’à travers des intermédiaires qui auront une emprise, au moins morale, sur le vote des intéressés. En ce cas, les élections seront-elles libres et transparentes ? On est en droit d’en douter.

Sans ce consensus, la CP participerait-elle aux élections ?

Les partis de la Convergence Patriotique (CP) continuent à militer, activement, pour l’apaisement de la scène politique nationale et la mise en œuvre de l’initiative du président Messaoud Ould Boulhkeïr, en rapport avec la Coalition pour une Alternance Pacifique (CAP) et les nombreuses organisations de la société civile. Par ailleurs, nos partis et ceux de la CAP travaillent à la mise sur pied d’une large alliance, pour faire aboutir l’initiative du président Messaoud et réunir les conditions de la victoire aux prochaines élections qui doivent répondre aux critères d’honnêteté, de transparence et de liberté définies ci-dessus.

Propos recueillis par Daly Lam

http://www.cridem.org/C_Info.php?article=638639