Dialogue politique : Point mort

Fuente: 
Cridem, L'Authentique
Fecha de publicación: 
12 Jun 2015

Après l’euphorie des premières rencontres entre les délégués du FNDU (Forum national pour le développement et l’unité) représentant l’aile dure de l’opposition et ceux du pouvoir en avril dernier, le dialogue tant souhaité par l’opinion semble aujourd’hui au point mort.

Entre le président Mohamed Abdel Aziz qui déclarait lors de sa dernière conférence de presse que le dialogue ne le concernait pas, et le président du chef du parti-Etat, l’UPR qui vient d’affirmer qu’il n’y a pas de crise politique d’une part et d’autre part, une opposition totalement absente de la scène, la messe semble être dite sur un dialogue politique mort né.

Personne ne parle plus du dialogue auquel le pouvoir et l’opposition radicale semblaient accorder une certaine importance. Les dernières retrouvailles entre les deux protagonistes remontent à plus d’un mois. Ainsi, il n’a fallu que deux séances de rencontres, le 18 avril puis le 9 mai 2015, pour enterrer un calumet de la paix qui n’aurait jamais dû être allumé.

Entre une opposition radicale qui tient à ses pré-conditions de dialogue longues comme la muraille de Chine et un pouvoir qui ne veut même pas entendre parler d’une seule condition, le mur de l’incompréhension devait indubitablement mener vers la rupture des négociations. 

Mohamed Ould Abdel, son gouvernement, son administration, son armée et son peuple ont préféré ainsi festoyer loin des humeurs de l’opposition, en menant des randonnées à travers le Million de kilomètres carrés de territoire que compte la Mauritanie, cassant le temps et l’argent du contribuable entre bivouacs, bains de foule et jouvence. 

Pendant ce temps, les leaders du FNDU s’embourgeoisent, coincés entre les salons climatisés de Nouakchott, se contentant de tirer sur tout ce qui bouge, par communiqués de presse interposés, déversant leurs courroux pour la moindre vétille.

Coincés entre les deux Pirates de la politique policitienne, le citoyen lambda ne sait plus à quel saint se vouer. Perdus dans cette bataille à la Pyrrhus, le petit peuple se consume dans la misère, le chômage, la hausse des prix et l’insécurité. A la place des espaces de contestation conventionnelle que sont les partis politiques, se sont érigés des mouvements sectaires et tribaux qui se sont emparés de la scène vidéepar ses acteurs.

C’est le 18 avril 2015 dans les locaux du Palais des Congrès de Nouakchott que s’ouvrira le premier round du dialogue politique entre le pouvoir et l’opposition représentée par le FNDU Un vœu qu’avait formulé le président Mohamed Abdel Aziz depuis janvier 2015 lors du Festival des villes anciennes à Chinguitty.

Là, il annonça, à la surprise générale sa « constante disponibilité à rester ouvert au dialogue avec toutes les composantes nationales » parce que dira-t-il « nous sommes convaincus de la nécessité de la participation de tous à l’œuvre de construction nationale ». Un pied d’appel au FNDU qui n’échappa pas à la vigilance de l’opinion publique nationale.

Sitôt de retour à Nouakchott, il chargea l’ex-Premier ministre devenu Secrétaire général de la Présidence de la République, Moulaye Ould Mohamed Laghdaf, de la mission. Ce dernier prit contact avec le FNDU pour exprimer à ses leaders l’intention du pouvoir d’entamer un dialogue politique inclusif. 

Les pourparlers dureront plus de trois mois. Les leaders de l’opposition radicale se pencheront ainsi pendant ce temps sur une feuille de route qui sera accouchée dans la douleur et les dissensions. Finalement, une plateforme en plusieurs points fut dégagée. 

Les pré-conditions du FNDU

Par rapport au dialogue politique souhaité par le pouvoir, le FNDU semblait convaincu que ce dernier devait avoir des raisons assez coercitives pour lancer une telle initiative, ce qui le poussa à exiger des garanties préalables, histoire de rétablir la confiance. Dans sa plate-forme, l’opposition radicale considère qu’il faudrait d’abord que le pouvoir accepte une démarche en deux phases. Une première phase qui comporte vingt points scindés en deux sections. 

La première section intitulée « les mesures de rétablissement de la confiance » comporte la libération des prisonniers d’opinion, l’engagement de Ould Abdel Aziz à ne pas briguer un troisième mandat, le statut du BASEP, l’accès aux médias publics, le problème de l’état-civil, les prix, la déclaration de patrimoine du président et des membres du gouvernement, la résolution de la crise à la SNIM, l’application des textes sur l’esclavage, l’annulation des mesures contre des citoyens (syndicalistes, étudiants, etc).

La deuxième section intitulée « L’accord cadre » exige la démarcation du Chef de l’Etat par rapport au jeu politique, une justice crédible et indépendante, la neutralité de l’armée par rapport au jeu politique, l’organisation d’élections anticipées, la réforme des textes électoraux, un gouvernement de consensus auquel le FNDU apportera son soutien, l’application des points convenus, un calendrier raisonnable pour la durée du dialogue. 

Dans la deuxième phase qui dépend de la réussite de la première, le FNDU propose comme points de discussion, l’unité nationale, l’esclavage, le vivre ensemble, la question culturelle, le passif humanitaire, les réfugiés, la question foncière, la décentralisation, le développement régional équilibré, le respect des textes, l’armée républicaine, indépendance de la justice et du pouvoir législatif, la question du genre, le rôle de la société civile, une administration citoyenne, des élections consensuelles, un gouvernement de consensus, réforme des textes électoraux, éclairage sur des dossiers obscurs (aéroport, montage des avions, attribution domaines publics comme le stade olympique et l’école de police, le sort des 50 Millions de dollars des Saoudiens, détournements au trésor, les 20 Millions de dollars de Senoussi, etc.

En plus, le FNDU mettait sur la table l’audit de certains établissements publics, la bonne gouvernance, le service public, la sécurité, l’institutionnalisation du dialogue, etc.

Les charrues avant les bœufs

Pour le pouvoir en place, la feuille de route présentée par le FNDU comme exigence à satisfaire avant l’entame du dialogue, n’a pas de sens. Il demanda à son tour l’entame directe du dialogue politique, les points inscrits dans la plate-forme de l’opposition devant être soumis aux négociations. « C’est pratiquement mettre la charrue avant les bœufs » s’insurge un cadre de l’UPR qui estime que satisfaire ces différentes exigences avant le dialogue n’a pas de sens. 

Aussi, lors de la première rencontre survenue le 18 avril dernier, le pouvoir s’est suffi de remarques verbales sur l’ensemble des conditions posées par le FNDU, en en rejetant et l’esprit et le contenu. Deuxième rencontre, le 9 mai. Là, les délégués du FNDU attendront en vain, une réponse écrite qui ne viendra pas. Le pouvoir semblait ne plus être intéressé par le dialogue sous cette forme. 

Le président Mohamed Ould Abdel Aziz pouvait alors reprendre ses tournées à l’intérieur du pays et le gouvernement vaquer à ses occupations. Comme pour couper court à l’attente du FNDU qui espère toujours une réponse écrite, Sidi Mohamed Maham, président de l’UPR (Union Pour la République) au pouvoir, vient d’annoncer qu’il n’y a pas de crise politique en Mauritanie. Dès lors, le dialogue n’a plus sa raison d’être.

Par:Cheikh Aïdara 

Source: http://cridem.org/C_Info.php?article=671892