Assassinat du leader indépendantiste Salah Ben Youssef : le procès qui divise

Fuente: 
Jeune Afrique
Fecha de publicación: 
17 Mayo 2019

Le premier grand procès tenu à Tunis dans le cadre de la justice transitionnelle remet sur le devant de la scène une affaire vieille de cinquante-huit ans, celle de l’assassinat du dirigeant politique Salah Ben Youssef, ancien compagnon de route devenu rival du président Habib Bourguiba.

C’est avec déception que la foule a quitté la salle des pas perdus du tribunal de Tunis, jeudi 16 mai. L’audience, très attendue, qui marquait l’ouverture du premier grand procès tenu à Tunis dans le cadre de la justice transitionnelle, a été suspendue par la chambre criminelle spécialisée. Le dossier déposé par la famille Ben Youssef avait dans un premier temps été traité par l’Instance vérité et dignité (IVD), puis transmis à la justice qui a choisi de poursuivre.

Cinquante-huit ans plus tôt, le 12 août 1961, Salah Ben Youssef, l’un des dirigeants du mouvement nationaliste tunisien, avait été abattu à l’hôtel Royal de Kaiserstrasse, à Francfort (Allemagne). Il avait été attiré dans un traquenard sous prétexte de l’organisation d’un complot militaire visant à renverser Habib Bourguiba, son ancien compagnon de route devenu son rival.

La rupture entre les deux hommes était consommée depuis 1955, Ben Youssef ayant alors accusé le leader du mouvement destourien, qui venait d’obtenir les accords d’autonomie interne, de « politique de reniement et de trahison » et d’« abandon de la cause algérienne ». Selon ce panarabe convaincu, il aurait fallu exiger l’indépendance pour tous les pays du Maghreb.

Il était surtout irrité de la fulgurante ascension de Bourguiba, sachant qu’il n’y avait pas de place pour deux bêtes politiques aux commandes du pays. Ben Youssef se targuait de l’appui du Sud, et avait tenté avec le soutien de la Libye et de l’Égypte de soulever la région en suscitant des affrontements avec les pro-Bourguiba.

Pardon et reconnaissance de « crime d’État »

Selon Afif Ben Youssef, l’avocat de la défense, l’instruction a démontré l’implication de l’État tunisien, de la présidence de la République, de la garde présidentielle, des ministères de l’Intérieur et des Affaires étrangères de l’époque, ainsi que de l’ambassade de Tunisie à Bonn. Au cours de l’audience, il a également fustigé le silence des autorités allemandes qui savaient, selon l’avocat, sans s’être néanmoins élevées contre le crime ni entamé des poursuites.

Frida Dahmani

Source: https://www.jeuneafrique.com/776192/societe/tunisie-assassinat-du-leader...