Sellal lors d’un meeting de (pré)campagne à la Coupole «Nous avons besoin de Bouteflika»

Fuente: 
El Watan
Fecha de publicación: 
16 Mar 2014

Tambour et trompette. Des airs carnavalesques, le charme et le somptueux en moins.

Lancée sur des chapeaux de roues, et avant l’heure, la campagne du président-candidat ne fait surtout pas cas de ce délai légal, fixant au 23 mars le début officiel de la campagne électorale. La loi ? Une coquetterie en cette veille de fait accomplie.  Hier, à  la coupole du 5 Juillet (6000 places), les partisans du président Bouteflika se sont donnés en énième spectacle, reprenant aussi bien à leur compte, la scène, le décorum et les chants ayant servi la veille, au soir,  au tournage du prime time de (l’émission) «Alhan Oua Chabab». Des chabab, il y en avait, hier, à profusion, par milliers, venus des quatre coins cardinaux festoyer pour un 4e bail au titulaire du palais El Mouradia. Les parkings du complexe Mohamed Boudiaf affichaient, tôt le matin déjà, le plein d’autobus, tous affrétés par les organisations estudiantines satellites organisatrices de la démonstration de force appelée modestement «rencontre nationale pour la sensibilisation à la participation à l’élection présidentielle».

Des étudiants, pour la plupart,  venus de plusieurs dizaines de wilayas, convoyés par un quarteron de ligues et unions estudiantines, dont l’UNEA, UGEL, LNEA, SNE, ONEA, toutes acquises et clients assidus du régime. Arborant tee-shirt et casquette frappés à l’effigie de son idole Président, Illyès est étudiant en informatique à l’université de Skikda.  «Non, on nous avait pas dit qu’ils allaient nous payer», dénonce-t-il comme pour conjurer tout soupçon. «Je suis venu parce que je crois en Abdelaziz Bouteflika», ajoute-t-il. Etudiante en (master) comptabilité,  Houria est arrivée avec ses copines, la veille, venues toutes de Relizane. «Ils (syndicats étudiants) nous ont invitées, nous sommes venues. C’est aussi simple que ça», se confie-t-elle. «Hob al watan» (amour de la patrie), c’est ce qui m’a amené ici», affirme ce jeune conducteur d’engins venu, lui, de la ville de Mascara. A 10h, les entrées de la coupole — couvée par une police républicaine aux petits soins — sont prises d’assaut, littéralement submergées.

Les services d’ordre sont dépassés par les grosses fournées d’inconditionnels du raïs. «Vous n’avez pas votre badge, on ne vous laissera pas entrer», coupe court un de ces vigiles contremaître du 4e mandat. «Je vous dis que je suis un naïb erraïs (un vice-président d’APC ? APW ?), vous devez me laisser entrer (…)», insiste l’homme portant beau et tiré à quatre épingles. Rien n’y fait. Bousculades, vociférations, insultes et noms d’oiseaux aujourd’hui disparus, fusent, accompagnent les menées et charges pour forcer l’hypothétique passage. «Nous, nous sommes venus de loin. Une des voitures qui nous accompagnaient a fait un accident : deux morts», témoigne ce partisan inconsolable. Dans la salle ovale, œuvre de Oscar Niemeyer, c’est musique et chants à plein décibels. Des chants (patriotiques), du raï, de la poésie, un disk-jokey survolté…, l’orgie du 4e vaut bien quelques danses du ventre transis de faim et d’espoir.  Les tribunes sont pleines. Le terrain de jeu aussi, où sont alignées, soigneusement, des rangées de chaises avant que celles-ci ne finissent, anarchie oblige, en inévitable zigzag. Les premières places étant réservées aux VIP. Quelques ministres, anciens ou en exercice  (Saïd Barkat, Sahli, Melah…) ont pris place auprès de pontes notoires du RND (Miloud Chorfi, Sedik Chihab…).

Les représentants des partis comme TAJ de Amar Ghoul, MPA de Amara Benyounès et/ou du FLN de Amar Saadani, l’autre attelage présidentiel, ont brillé par leur absence. Cohue et congestion aux abords de la scène. Un poster géant du président Bouteflika lui biffe l’horizon. «Notre serment pour l’Algérie», est-il écrit en légende de portrait.
A 11h, Abdelmalek Sellal, flanqué de Tahar Zbiri, vieux maquisard et putschiste malheureux de 1968 (coup d’Etat contre Boumediène), montent sur scène. Quelques mots de convenance, une présentation sommaire mais révérencieuse de «l’homme à la canne» qui l’accompagnait, et Sellal de rejoindre derechef son «équipe de campagne». Aux premiers rangs. Les deux écrans géants se mettent en mode propagande. Le soft et le hard. Un documentaire retraçant, par l’image et le son, le parcours de Abdelaziz Bouteflika, est diffusé, suivi dans une ferveur et émotion quasi mystiques. L’engagement révolutionnaire, les états de services, les discours et envolées lyriques, les «injazate» et réalisations, sont encensés, servies sans modération, à un public acquis aussi bien au «messie» présumé qu’à l’homme qui se représente aujourd’hui à son énième succession. Jusqu’à la mi-journée, dans leurs interventions enflammées, les chefs des organisations estudiantines rivaliseront, tour à tour, d’obséquiosités, d’appels et adresses envers le président-candidat tantôt affublé du titre de «père», de «frère», de «moudjahid». Le tout sous les sifflements stridents et continus des participants excédés — eux aussi — par tant d’entrain, de déploiement grandeur nature de zèle de leurs laudateurs et complimenteurs patentés.

Sellal et le «namous du Printemps arabe»

Le carnaval tirant à sa fin, Sellal remonte sur selle. Décidé à empaler les opposants au 4e mandat assimilés, sans coup férir, à des agents étrangers. «Certains nous parlent du Printemps arabe. On ne sait pas d’où provient had namous, ce moustique. Nous lui avons fermé toutes les issues, il persiste et veut s’introduire chez nous par la fenêtre. Mais avec le moubid (gaz anti-moustique de fabrication locale, ndlr) et le fly-tox, nous nous débarrasserons de lui.» Un cantique, rappelant ailleurs de sinistres gazages d’opposants, et qui a valeur de sommation. «Le Président s’engage, selon lui, à continuer à lutter contre la marginalisation, contre ceux qui prônent le défaitisme, ceux qui sont de mauvaise foi…» Se disant «propres et décidés à le rester», Sellal prévient les «jeunes» : «N’écoutez pas les auteurs des campagnes calomnieuses contre la dignité des Algériens, les cadres de l’Etat (…) Cet homme (Abdelaziz Bouteflika), nous avons besoin de lui.

Lui qui a tout donné pour son pays.» Des promesses de campagnes, Sellal, il en débitera à la pelle. Sous les ovations d’un public intéressé. Emploi : «Nous allons continuer, avec notre candidat, à multiplier les projets Ansej et CNAC (…).» Un dispositif spécial, ajoute-t-il, sera dédié exclusivement aux vrais diplômés d’universités. Des «start-up», dit-il, soutenues et prises en main par les pouvoirs publics. Concernant l’accès au logement, l’ex-Premier ministre annonce que les «succès se poursuivront» et que «désormais même les jeunes diplômés universitaires ouvriront droit».  Sellal évoque les prétentions présidentielles à opérer un «renouveau politique» dans la perspective de l’«ouverture démocratique». Il réitère le vœu de la construction d’une «économie forte» basée sur la valeur du travail. «En Algérie, il ne nous manque qu’une seule chose : le bonheur ! Aux Algériens je dis : Aimez-vous les uns les autres.»

Sellal finira son speech en mode imam. Ses prières égrainées en chapelet. «J’ai toujours dit : laissez les jeunes vivre !», achève-t-il de dire dans l’hystérie générale. La salle commençait déjà à se vider. Sellal quittera difficilement la salle, soulevé par la marée humaine. Une pluie de confettis et ballons gonflés au CO2 s’abat à même la scène. Une scène inondée de monde. Une razzia à l’œuvre où seuls les emblèmes étaient sortis indemnes.

 

Autor: Mohand Aziri

Source/Fuente: http://www.elwatan.com/actualite/nous-avons-besoin-de-bouteflika-16-03-2...