Les moyens de l’État au profit de Bouteflika : Le parti pris de l’administration

Fuente: 
El Watan
Fecha de publicación: 
26 Mar 2014

Membres du gouvernement animateurs de la campagne de Bouteflika, moyens de l’Etat au service du président sortant et pression de l’administration sur des fonctionnaires forcés d’aller suivre les meetings, c’est en partie le côté biaisé de cette présidentielle 2014.

Payés avec l’argent du contribuable, deux ministres de la République, un troisième sans portefeuille et un directeur de cabinet de la Présidence, recrutés à la veille de la campagne, sillonnent le pays pour vendre aux Algériens le programme du président-candidat. Unanimes, les spécialistes parlent d’activités «immorales» qui sont «en porte-à-faux» avec le principe d’équité entre les candidats en lice et de neutralité de l’administration.

Si pour la forme, le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, a démissionné de son poste pour se consacrer à la campagne électorale du candidat-président, deux de ses ministres, Amara Benyounès (ministre de l’Industrie) et Amar Ghoul (ministre des Transports) ont conservé leur mission officielle : ils portent la double casquette de membre du gouvernement et animateur de campagne. Ils sont aidés par deux autres hauts fonctionnaires de l’Etat, un ministre sans portefeuille, Abdelaziz Belkhadem, et un directeur de cabinet de la Présidence, Ahmed Ouyahia, «recrutés» à la veille même de cette campagne. Même si dans le programme ce dernier n’anime les meetings que les week-ends, il n’en demeure pas moins qu’il représente une institution de la République, censée être neutre et au-dessus de la mêlée, notamment en période électorale.

Pour les plus avertis, les activités de ces ministres et hauts fonctionnaires de l’Etat «violent» le principe d’équité entre les candidats en lice parce qu’elles sont financées en grande partie par l’argent du Trésor public. En effet, les déplacements de Amara Benyounès, Amar Ghoul et Abdelaziz Belkhadem, durant les 22 jours à travers les 48 wilayas du pays et des villes de France et de Belgique, se feront au détriment de leur mission gouvernementale pour laquelle ils sont payés.

Mieux, ils voyagent en tant que ministres et, de ce fait, ils bénéficient de tous les privilèges liés à leur statut.
Que ce soit à l’intérieur du pays ou à l’extérieur, ils sont plus reçus sous la casquette d’officiels à travers leur prise en charge (et celle de leurs accompagnateurs) par les walis et leur encadrement par les services d’ordre. Ne bénéficiant pas des mêmes privilèges, les autres candidats sont dans l’obligation de limiter leurs déplacements aux 48 wilayas du pays. Même pour les plus nantis d’entre eux, comme Ali Benflis et Louisa Hanoune, les voyages à l’étranger ont été exclus faute de moyens et de logistique.

«Ces ministres sont payés par l’Etat pour des activités gouvernementales. Or, durant les 22 jours de la campagne, ils sont sur le terrain, loin de leurs bureaux. Ils auraient dû démissionner ou prendre un congé spécial pour se consacrer à la campagne. Ce qu’ils font ne cadre pas avec le principe d’équité et de neutralité dont se vantent les pouvoirs publics», déclare le politologue Rachid Tlemçani. Selon lui, «des ministres en fonction qui font campagne pour un candidat n’existent nulle part ailleurs, sauf en Algérie, et ce durant des mois.

L’administration et ses services de sécurité ont été mis au service d’un candidat au détriment des autres». Le politologue voit ces activités comme «une violation» de l’éthique et de la morale et affirme que le directeur de cabinet de la Présidence «est un fonctionnaire de l’Etat, dont le salaire est puisé des deniers publics. Il n’a donc pas le droit de s’engager dans une campagne électorale, même si les activités liées à celle-ci se déroulent les week-ends. Nous sommes devenus la risée du monde entier à cause de ces pratiques qui n’honorent nullement l’administration et qui ne reflètent pas le principe de neutralité de l’administration».

Politologue aussi, Rachid Grim relève que ce comportement est «tout à fait naturel pour ceux qui nous dirigent. Ceux-ci ne voient rien de mal à ce que des membres du gouvernement, payés avec l’argent du contribuable, se mettent au service d’un candidat. Les autres sont obligés de chercher les fonds nécessaires pour rejoindre les villes les plus reculées. Du fait qu’ils aient leur statut de ministre et de fonctionnaire de la Présidence, les représentants du candidat-président, bénéficient d’une prise en charge totale. Là où ils passent, les responsables locaux mettent à leur service tous les moyens nécessaires». L’expert dit n’avoir «jamais vu ailleurs un directeur de cabinet de la Présidence faire campagne pour un candidat, même en dehors de ses heures de travail».

Economiste, Mourad Goumiri partage entièrement cet avis ; il va plus loin en disant : «Nous sommes dans une situation de fait accompli où rien ne sert de se poser des questions. Il n’y a plus d’éthique ni de morale. Des ministres qui se mettent au service d’un candidat et les plus zélés d’entre eux sont les plus concernés par les affaires de justice.» M. Goumiri, explique que ces ministres «utilisent les deniers de l’Etat. Ils sont reçus en tant que hauts fonctionnaires de l’Etat, avec tous les privilèges que cela suppose. Dans une situation normale, la démission du Premier ministre aurait été suivie par celle des ministres engagés dans la campagne. Mais comment peut-on s’interroger sur ces graves anomalies, lorsqu’on sait que le Premier ministre a, durant des mois, servi des enveloppes budgétaires aux nombreuses wilayas qu’il a visitées ? Nous savons tous que cet argent provient du Fonds de péréquation, qui échappe totalement au contrôle législatif et dont ils usent et abusent de manière éhontée. Voir des ministres utiliser l’argent du contribuable devient normal dans une situation où l’illégalité est érigée en pratique ordinaires !»

Les avis des uns et des autres montrent que cette campagne n’est pas aussi neutre que les officiels veulent le faire croire. En usant des moyens de l’administration et de l’argent du contribuable, le candidat-président détient une longueur d’avance sur ses concurrents. Ce qui constitue une grave violation du principe d’équité et de neutralité garanti par la loi électorale, mais aussi par les différentes instructions du Président lui-même...

 

 

Autor: Salima Tlemçani

Source/Fuente: http://www.elwatan.com/actualite/les-moyens-de-l-etat-au-profit-de-boute...