Ce nomadisme opportuniste qui tue

Fuente: 
L´Expression
Fecha de publicación: 
07 Ene 2013

Ne nous cachons pas la vérité: le nomadisme politique tue l'esprit militant, il tue les partis, il tue l'activité politique et détruit le pays.

A peine son premier congrès tenu que déjà des milliers d'élus et des dizaines de parlementaires y affluent et le soutiennent. Déjà, à l'annonce de sa création, il avait bénéficié de beaucoup de soutiens au sein de l'Assemblée nationale et du Sénat. TAJ, puisque c'est de lui qu'il s'agit, semble promis à des hauteurs vertigineuses tellement l'ascension qu'on lui donne est forte et soutenue. Sans discuter ici des raisons ou des objectifs qui font de ce nouveau-né de la scène politique nationale ce qu'il est, il est intéressant de noter que, une fois encore, c'est toute la philosophie du militantisme et le comportement militant qui semblent fortement secoués. Ces élus qui valsent d'un parti à l'autre en fonction des intérêts perçus ou réels, immédiats ou à plus long terme, n'ont certainement pas la même perception de l'appartenance partisane que tout le monde. Ces militants qui surfent de manière ostentatoire sur les vagues des opportunités, allant d'un parti à un autre, en fonction des jours, des semailles probables et des discours ne doivent certainement pas éprouver le même sentiment de fidélité à l'égard des organisations politiques auxquelles ils adhèrent et qu'ils zappent sans même avoir le temps d'en saisir la vision, les valeurs, voire les objectifs les plus proches.

L'inexistence de repères
Si TAJ, comme tous les autres avant lui d'ailleurs, tels le RND par le passé, le FIS, Hamas... a pu «arracher» des militants à ses concurrents ce n'est pas tant de sa faute car un tel comportement n'est possible qu'à partir du moment où existent des militants sans appartenance réelle, c'est-à-dire des militants sans militantisme. Ces individus qui adhèrent non pas pour la réalisation des objectifs d'un parti donné ou pour prendre à bras le corps des aspirations qu'ils reconnaissent comme leurs, mais juste, tout juste, pour aspirer à un mandat, à un avantage, à un privilège quelconque. Si TAJ, comme ceux qui l'ont précédé, arrive à «séduire» des milliers d'un coup, ce n'est donc pas pour son charme ou grâce à son parfum, c'est tout juste parce qu'il laisse entrevoir des possibilités «d'avancement social» pour ceux qui y tiennent. Quatre explications sont possibles à un tel comportement pour le moins incompréhensible. D'abord, on peut penser que ces militants adoptent la mobilité parce qu'ils ne trouvent réellement pas, dans les partis qu'ils «visitent», des repères forts qui puissent convenir à leurs convictions profondes et ainsi les retenir. Cette possibilité signifierait que soit ces partis traînent des ambitions faibles ou des préoccupations trop inintéressantes, soit ce sont ces militants qui considèrent le nomadisme comme étant une forme avancée d'intelligence et de perspicacité partisanes.
La seconde explication serait que ces militants, qui semblent changer, dans leur vie, plus de partis que de chaussettes, ne comprennent rien au militantisme et agissent au gré des humeurs et en fonction des dispositions mentales et sentimentales du moment.
Lorsqu'ils se rappellent que le FLN est un parti au sigle historique, la nostalgie d'une ère qu'ils n'ont peut-être même pas connue, les pousse à sauter dans le wagon FLN. Lorsqu'ils considèrent que le RND est une formation créée pour rassembler autour d'un homme ou d'une vision, ils foncent dans la mêlée RND. Lorsqu'ils ont considéré que l'ex-FIS les emmènera quelque part où ils souhaitent aller, ils se sont mis à dire des prêches qu'ils ne comprenaient sans doute pas. Quand les formules magiques leur semblaient venir du mouvement de Soltani, ils avaient accouru pour renforcer les rangs et ainsi va la vie de ce côté-ci des hommes.

Un poste, un mandat, un lot de terrain
Dans ce cas, inutile de dire qu'il s'agit plutôt de faux militants, de gens qui vont et viennent sans mauvaises intentions. Juste comme ça! Ce qui n'aide en rien l'activité politique algérienne et ne peut en aucun cas aider à la maturité politique des gens ni à l'amélioration de leur conscience politique. La troisième explication est celle où le nomadisme partisan est dicté par des intérêts bassement matériels. Un poste, un mandat, un lot de terrain ou tout autre privilège. Dans ce cas, il est très probable que l'on trouve ce qu'on pourrait appeler des «polymilitants», ceux qui se promènent avec des cartes d'adhérents de plusieurs partis à la fois. Là où quelque opportunité pointe ils font valoir la carte appropriée. Simple fonds de commerce, le militantisme, dans ce cas, ne mérite même pas que l'on s'y attarde. La quatrième explication serait que ces mouvements de-va-et vient militant sont l'oeuvre de chorégraphes invisibles mais à la présence certaine qui, tantôt pour maintenir un équilibre, tantôt pour créer un déséquilibre, parfois pour propulser quelqu'un, parfois pour descendre quelqu'un d'autre, ordonnent en soufflant dans leur sifflet le commencement des valses partisanes, ici, du surf politique là-bas, du soutien inconditionnel aujourd'hui, du retrait de confiance demain... Dans tous les cas de figure, ne nous cachons pas la vérité: le nomadisme politique tue. Il tue l'esprit militant, il tue les partis, il tue l'activité politique nationale et aide à détruire le pays. La prévision, dit-on, est cet exercice qui consiste à tenter de connaître le comportement futur sur la base de données et observations passées. Si l'on accepte cette définition et si l'on observe que tous les partis qui ont bénéficié de soutiens immédiats, massifs et inconditionnels de militants venus d'ailleurs, finissent toujours par passer à la trappe de la scène politique, alors il n'est pas difficile de prévoir que le TAJ a tous les ingrédients réunis pour suivre, pas à pas, ceux qui l'ont précédé et ne briller que le temps de sa mission. Entre-temps, d'autres partis auront l'occasion d'apparaître, poussant ainsi aux multiples valses et aux innombrables surfs qui ne serviront qu'à une chose: désancrer le militant chez nous du militantisme.