Ettahrir, L’application de la charia refait surface

Fuente: 
La Presse
Fecha de publicación: 
12 Ene 2013

Ils sont venus de plusieurs gouvernorats, dont notamment Bizerte et Monastir, ils étaient environ 8.000 manifestants selon les organisateurs, et 2.500 selon la police.
Bien évidemment, les hommes et les femmes étaient séparés, les hommes devant les femmes derrière, répétant des slogans du type «Il n’existe de Dieu qu’Allah et la charia est le droit de Dieu».

Nous ne participerons pas à une élection ayant pour socle cette constitution

Il n’est pas question qu’il y ait une source juridique autre que celle de l’islam

Ils étaient là pour dire tout haut qu’ils rejettent dans sa totalité le projet de constitution que politiciens et société civile essayent tant bien que mal de modifier et de remodeler en vue d’un compromis qui ferait de la constitution de la deuxième république un texte dans lequel se retrouvent tous les Tunisiens quelle que soit leur idéologie.
De gigantesques drapeaux noirs, d’autres blancs sont distribués sur lesquels sont inscrits en grands caractèresl: «Il n’y a de Dieu qu’Allah», pour signifier que le drapeau rouge sang de la Tunisie avec son étoile et son croissant, qu’avait qualifié Ridha Belhadj (porte-parole du Parti fondamentaliste Al Tahrir) de «torchon» dans une émission de télévision, ne les concerne pas.
Après avoir galvanisé la foule par un discours classique sur l’islam et les ennemis de l’islam qui cherchent à tout prix à «désislamiser» le pays, Ridha Belhadj, accompagné d’une délégation, s’est dirigé vers l’Assemblée nationale constituante pour y déposer un projet de constitution rédigé par ce parti.
Dans cette foule euphorique, où de jeunes gens (pas forcément barbus) agitent des drapeaux d’une manière rappelant celle des supporteurs déchaînés des stades de football, nous avons rencontré Karim, un jeune lycéen exhibant un gigantesque drapeau noir.
«Ne me demandez pas ce que je fais ici, j’ai une heure de libre au lycée, on m’a donné ce drapeau, et honnêtement, je me fiche que ce pays soit musulman où mécréant, je suis là pour passer le temps», nous confie-t-il.
Pour Med Ali Ben Salem, membre du bureau de communication du parti Ettahrir, ce projet de constitution continue, à l’instar de la Constitution de 1959, a dérouler le tapis rouge à un capitalisme pourri ayant démontré ses limites même dans les pays de ses créateurs.
«Cette constitution ne représente pas les Tunisiens musulmans, et ne trouvera pas par conséquent l’approbation populaire, nous venons ici pour libérer notre conscience vis-à-vis du Bon Dieu et mettre en garde les constituants du blasphème auquel ils contribuent, et ce n’est pas l’article premier de la constitution qui va consoler le Tunisien musulman et il n’est pas question qu’il y ait une source de légifération autre que l’islam», explique-t-il.
Ce monsieur, très aimable et assez éloquent, va même jusqu’à prendre pour vérité un mensonge historique, en décrétant qu’une des revendications du soulèvement populaire du 14 janvier était l’application de la charia.
Trop d’hommes, il fallait tout de même prendre l’avis des femmes qui sont derrière, mais surprise, ni télévision, ni radio, pas même la presse écrite n’étaient autorisés à adresser la parole aux centaines de femmes présentes.
«Si vous avez besoin de témoignages, d’avis, vous n’avez qu’à vous adresser aux hommes», lance un des organisateurs.
Saluons tout de même le travail remarquable qui a été fait par la police et la centaine d’organisateurs, qui ont été irréprochables et surtout très aimables, évitant ainsi les débordements et les incidents.
Le parti islamiste Ennahdha a clairement opté pour un Etat civil (quoique certains observateurs en doutent), perdra-t-elle son électorat radical lors des prochaines élections? Seuls des sondages plus affinés permettront de répondre à une telle question.

 

K.B.S.

http://www.lapresse.tn/12012013/61000/lapplication-de-la-charia-refait-surface.html