Dans une conférence de presse organisée hier par l’Association des magistrats tunisiens, Raoudha Karafi a mis en exergue les difficultés par lesquelles passe le pouvoir judicaire en passe de devenir sous l’autorité de l’exécutif.
La veille au sein de l’ARP, la loi sur le conseil supérieur de la magistrature a été adoptée malgré la polémique dans les milieux judiciaires et les mécontentements des représentants de certains groupes politiques dont notamment ceux du Front populaire qui ont décidé de suspendre leur participation au débat en quittant l’Hémicycle. Le débats étaient houleux, et à un rythme marathonien.
L’Instance provisoire de l’ordre judiciaire a annoncé dans un communiqué le 14 mai, sa décision de se retirer des deux commissions techniques chargées d’élaborer le projet de loi sur le Conseil supérieur de la magistrature, ainsi que le projet de loi relatif à la Cour constitutionnelle, dans le but de contester son exclusion du débat et de la consultation sur le projet de loi en question. Elle demande par ailleurs une audition avec le chef du gouvernement sur la question afin de lui exposer les réserves sur les articles de ladite loi pour leur non-conformité avec la Constitution.
C’est ce qu’a soutenu de son côté Raoudha Karafi, au cours de la conférence de presse, en attirant l’attention des médias et toutes les parties prenantes, sur le fait que le pouvoir judiciaire est de plus en plus menacé.
Elle a fait remarquer que la commission de législation a fait la sourde oreille, faisant fi de toutes les doléances des partenaires de la justice, ainsi que des députés dont certains déplorent la formulation de certains articles, en vertu desquels le pouvoir judiciaire n’est pas mentionné de manière explicite.
Certains se demandent même si une telle formulation n’est pas intentionnelle, a-t-elle souligné.
Quant à Ahmed Rahmouni, président de l’Observatoire tunisien pour l’indépendance de la magistrature, il a déclaré que la lutte pour un pouvoir judicaire réel, doit se poursuivre, car avec le texte actuel de la loi, il est vidé de sa substance étant sous la tutelle de l’exécutif. Ce qui est contraire à la Constitution, mais la commission de législation ne l’entend pas de cette oreille.
Par ailleurs Ahmed Rahmouni a souligné que le tribunal administratif n’a pas encore répondu à la demande de surseoir au vote de la loi, présentée par l’Observatoire au premier président du tribunal administratif. Une perte de temps malgré une demande en référé. Mais maintenant que la loi est adoptée, quelle serait l’effet d’une décision de justice, intervenant après coup ?
Pour Raoudha Karafi, même si la loi a été adoptée par l’ARP, elle doit être soumise dans un délai de 7 jours à l’Instance provisoire de constitutionnalité des lois qui a son mot à dire à ce sujet et qui peut donc annuler la loi pour non-conformité de certains de ses articles, avec la Constitution.
D’autre part, la loi doit être soumise ultérieurement au président de la République, en tant que garant de la constitutionnalité des lois. « Nous avons confiance en la perspicacité du président de la République et la pertinence de ses points de vue pour dire que les jeux ne sont pas faits », a fait remarquer Raouda Karafi.
L’instance supérieure de l’ordre judiciaire qui a demandé à rencontrer le président de la République à ce sujet, a affirmé dans le document du 14 mai, qu’elle œuvrera par tous les moyens à faire tomber la loi, pour sa non-conformité avec la Constitution.
Telle est la situation actuelle, dans le monde de la Justice, à la cinquième journée de grève observée par les magistrats dans tous les tribunaux de la République.
C’est le justiciable qui en attendant, ne sait plus à quel saint se vouer. Il a pourtant donné sa confiance aux députés qui doivent défendre ses intérêts et le protéger de la pratique des deux poids deux mesures. Seul un système judiciaire où l’indépendance de la Justice est préservée pour garantir ses droits.
La loi sera-t-elle entérinée par l’Instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des lois, et par le président de la République ?
Par: Ahmed Nemlaghi
Source: http://www.letemps.com.tn/article/91396/pour-les-juges-le-combat-continue