Législatives : la candidature de la journaliste Salima Ghezali suscite un vif débat

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Fecha de publicación: 
09 Mar 2017

Salima Ghezali, tête de liste du FFS à Alger pour les élections législatives du 4 mai 2017, a rencontré, ce mercredi 8 mars, des militantes et des citoyennes à Baraki, dans la banlieue sud-est de la capitale, avant d’animer une conférence au siège fédéral du parti sur les droits des femmes en Algérie.

Journaliste et militante des droits de l’Homme, Salima Ghezali, qui s’est distinguée par ses écrits et ses positions politiques dans les années 1990, se lance dans la course électorale.

Sa candidature suscite un vif débat sur les réseaux sociaux depuis quelques jours. C’est l’une des candidatures qui intéressent beaucoup les commentateurs pour l’instant.

« Salima Ghezali est une amie de 35 ans. Elle a longtemps incarné pour moi l’exigence de l’excellence démocratique dans sa quête personnelle. Elle est aujourd’hui tête de liste FFS à Alger pour être députée sous le 4e mandat de Bouteflika. Cela m’affecte et je ne peux pas m’en cacher », écrit le journaliste El Kadi Ihsane sur son compte Facebook.

Il  y avait un destin d’activiste de l’OS (Organisation spéciale) dans la trajectoire de Salima Ghezali, selon lui. L’OS était considérée comme le bras armé du MTLD, créé courant 1947. « Une marche sacerdotale vers la lumière de la liberté et l’État de droit. Elle était, il y a quelques années, dans les pas des faiseurs des mythes fondateurs, Larbi Ben M’hidi, Mostefa Ben Boulaid, et surtout Hocine Ait Ahmed dont elle a été si proche. Aujourd’hui elle trébuche dans les personnages respectables de Abderrahmane Kiouane et de Hocine Lahouel. Elle ne trahit bien sûr pas. Elle reste toujours du bon côté de l’Histoire. Elle continuera à se battre à l’Assemblée pour les libertés et le droit. Mais si un 1er novembre de la démocratie, citoyen et pacifique, devait demain survenir en Algérie, elle n’en serait pas », a-t-il estimé avant d’ajouter : « Comme Kiouane et Lahouel, tétanisés par l’électoralisme, elle regarderait passer l’Histoire. Je suis triste pour mon amie. Mais, à sa décharge, peut-être qu’il n’y aura jamais de Grand sursaut citoyen, le 1er novembre démocratique algérien, et qu’elle aura eu raison de ne plus attendre. Tout de même. La patience optimiste est la marque la mieux partagée chez les accoucheurs de l’Histoire. ».

Semer les idées

Kiouane et Lahouel avaient été militants du PPA-MTLD avant de rejoindre le FLN. Ils avaient marqué leur opposition au régime de Houari Boumediene en signant, en 1976, un texte exigeant une Assemblée nationale constituante. Texte signé également par Ferhat Abbas et Benyoucef Benkhedda. Les signataires ont tous subi une politique de bannissement.

Kader Berdja, journaliste, a réagi au poste réprobateur d’El Kadi Ihsane lui reprochant de ne s’appuyer sur aucun « argument probant ». « Elle ne vas pas à l’APN sous la bannière islamiste que je sache ! Bien au contraire, elle reste fidèle à feu Ait Ahmed et continuera avec la ténacité qu’on lui connaît à semer ses idées.  De plus, j’ai horreur de la politique de la chaise vide », a-t-il rétorqué.

Rachid Chaibi, militant du FFS, a critiqué El Kadi Ihsane : « Il est plus rentable politiquement et surtout économiquement pour un patron d’un groupe de presse privé de s’attaquer à une journaliste crédible et indépendante, candidate d’un parti tout aussi crédible, que de s’attaquer à tous ces patrons mafieux qui se présentent au nom des partis du pouvoir ».

« La fosse aux lions »

Mustapha Kaouah, journaliste établi en France, a, de son côté, estimé que Salima Ghezali a raison de « mettre fin à son angélisme et sa critique ». « Il est temps de rentrer dans la fosse aux lions car la démocratie se fait dans les hémicycles de l’électoralisme, pas sur les barricades d’un grand soir quand les révolutions ne sont plus aux rendez-vous ! Le peuple veut des femmes et des hommes intègres pour guerroyer pacifiquement dans les instances élues car il a assez donné de sang et de larmes. Il veut du verbe et de la sueur !», a-t-il plaidé.

L’écrivain Samir Toumi a, de son côté, soutenu que Salima Ghezali s’engage concrètement. « Je l’admire pour ça. Je ne suis pas capable de le faire », a-t-il avoué.

L’universitaire et journaliste Aziz Mouats paraît déçu. « J’ai beaucoup de peine à croire à l’attractivité du râtelier. Il y a longtemps que le FFS est devenu une coquille vide… Dommage qu’une dame de ce volume se soit laissée tenter… C’est à peine croyable et pourtant… que d’illusions perdues… Est-ce à dire que nous avons été leurrés ? Et à ce point ? », s’est-il interrogé.

Dans les années 1990, Salima Ghezali signait des éditoriaux très lus dans l’Hebdomadaire La Nation, interdit de parution en 1996. Elle y dénonçait la politique de répression du pouvoir et le tout sécuritaire, évoquait les atteintes aux droits humains, mettait en lumière le recours à la torture, plaidait pour une solution politique à la crise, pour le dialogue et pour la transition démocratique.

Elle doutait des processus électoraux organisés dans les années 1990 sous le régime de l’état d’urgence. Considérée comme proche de Hocine Ait Ahmed, chef historique du FFS, elle a animé plusieurs conférences à l’étranger pour parler de la situation politique et sécuritaire en Algérie, dans un langage qui était différent de ceux qu’on appelait à l’époque « les éradicateurs ».

Elle a obtenu plusieurs distinctions comme le prix Sakharov, décerné annuellement par le Parlement européen, et le Prix Olof Palme, du nom du Premier ministre suédois, en 1997.

Ces deux distinctions sont données aux personnes qui luttent pour les libertés démocratiques et les droits humains. Actuellement, Salima Ghezali milite pour la deuxième République en Algérie, ancienne revendication du FFS, et pour le consensus national, perçu comme un moyen de rassembler les Algériens après une analyse profonde des événements dramatiques des années 1990.

« Si consensus, il y aura, il se fera autour d’un État de droit dans lequel nous aurons le droit d’avoir des droits. Un État qui sera ni policier ni fondamentaliste. Après, il faut se poser la question : pourquoi je fais de la politique ? Pour faire chuter le pouvoir ? Pour me donner les moyens de prendre le pouvoir ? Avec qui et dans quelles conditions je le fais ? Quand l’Histoire frappe à la porte, on pose les questions dérangeantes. On ne triche pas avec l’Histoire. On paye ses factures pour l’Histoire », a-t-elle déclaré lors de l’université d’été du FFS à Béjaia, en 2014.

Salima Ghezali n’a pas encore réagi à la polémique que suscite sa candidature aux législatives.

Date: 09/03/2017 

Author: Fayçal Métaoui 

Source: http://www.tsa-algerie.com/20170309/legislatives-candidature-de-journaliste-salima-ghezali-suscite-vif-debat/