La fuite en avant de la présidence du gouvernement

Fuente: 
Le Temps
Fecha de publicación: 
02 Mayo 2017

Tard dans la soirée du dimanche, la présidence du gouvernement a informé, via une annonce diffusée sur la première chaîne nationale, du limogeage du ministre de l’Education nationale, Néji Jalloul, et de la ministre des Finances, Lamia Zribi. Le premier sera remplacé par le ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique, Slim Khalbous et la seconde par le ministre du Développement, de l'investissement et de la coopération internationale, Fadhel Abdelkafi. 

Deux limogeages fortement attendus et pour cause. Lamia Zribi a provoqué, il y a quelques jours de cela, une grande polémique dans le pays après avoir assuré que le dinar devrait très bientôt atteindre le seuil de 3 dinars devant l’euro alors que Néji Jalloul mène un bras de fer contre les enseignants syndicalistes depuis quelques mois déjà. Au lendemain de l’élection du nouveau Bureau exécutif de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), la requête relative au limogeage de Néji Jalloul était devenue officielle après qu’elle ait été adoptée par les nouveaux dirigeants de la centrale syndicale.

Toutefois, le problème avec ce nouveau remaniement partiel – après un premier effectué en février dernier – pose un problème relatif au timing : une annonce faite un dimanche soir à la veille d’un jour férié à l’occasion de la fête internationale du travail. Si certains y ont vu un simple hasard, d’autres constatent que Youssef Chahed a choisi cette date là afin d’éviter les ‘mauvaises’ réactions et dans le but d’absorber la révolte de certains. D’autres avis vont à dire que le limogeage de Jalloul à la veille du premier mai est une sorte de cadeau d’anniversaire offert par Chahed aux syndicalistes qui ont tant réclamé la tête de ce ministre polémique.

La question qui se pose, au-delà de celles relatives au timing et à la manière d’annoncer l’événement, est ailleurs. Le chef du gouvernement redoute-t-il  le passage devant l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) ? Youssef Chahed voulait, il y a à peine quelques jours de cela, procéder à un plus large remaniement touchant, entre autres, les ministères de la Défense nationale et de l’Intérieur. Mais un remaniement pareil aurait exigé de l’équipe gouvernementale un passage inévitable devant le Parlement. Or, et pendant que plusieurs régions du pays bouillonnent dangereusement, un risque pareil pourrait bien lui devenir fatal.

Il est vrai que le chef du gouvernement va quand-même être obligé de se présenter devant l’ARP mais il ne le fera que lorsqu’il nommera deux nouveaux ministres pour succéder à ceux qui sont partis. Or, lorsque ce même chef du gouvernement a viré, en novembre dernier, le ministre des Affaires religieuses, Abdeljalil Ben Salem, il a largement pris son temps pour ne le remplacer que quatre mois plus tard lorsque la situation générale du pays était plus au moins stabilisée. Aujourd’hui, ce nouveau remaniement intervient après le terrible échec de Chahed à Tataouine, au lendemain d’une grande opération antiterroriste à Sidi Bouzid et, surtout, au même moment où la présidence de la République cherche par tous les moyens à faire passer la loi sur  la réconciliation économique et financière. Alors, Chahed est juste dans une fuite en avant sans nom ou cherche-t-il juste à absorber ce qu’il peut de toute cette tension sociale ?

Date: 02/05/2017

Author: Salma Bouraoui

Source: http://www.letemps.com.tn/article/102825/la-fuite-en-avant-de-la-pr%C3%A9sidence-du-gouvernement