Cherche candidats désespérément

Fuente: 
La Presse de Tunisie
Fecha de publicación: 
22 Feb 2018

Sans se hasarder à se prononcer sur les chances des différentes listes, les sondages sont interdits depuis le 15 février, on risque d’avoir un bon nombre de conseillers municipaux alliant incurie et incompétence, portés, certes, par les urnes, mais incapables d’assumer leur rôle d’acteurs principaux de la démocratie locale. Des élus sans envie d’agir pour leur commune, parce que dépourvus du sens du devoir et d’une réelle volonté de servir les citoyens. Pourtant, ces élections ne se limitent pas à de simples enjeux locaux comme le ramassage des ordures ou encore la taxe municipale. Le véritable enjeu est l’instauration d’un nouveau pouvoir, le pouvoir local. Mais avec quels conseillers municipaux ? 
Aujourd’hui, jeudi 22 février, est le dernier jour pour le dépôt des candidatures aux élections municipales qui se dérouleront le 29 avril pour les quelque 36.000 sécuritaires et militaires et le 6 mai pour le reste des électeurs dont le nombre est estimé à 5.370.000. Un peu plus d’un millier de listes ont, jusque-là, été déposées et dont la plupart sont partisanes. Ce chiffre pourrait s’approcher, dans les dernières heures qui nous séparent de la fermeture à 18h00 des bureaux de réception des candidatures, des 1.400 listes déposées pour les législatives de novembre 2014.  
L’Instance des élections (Isie) annoncera samedi 3 mars prochain la liste préliminaire de candidatures et le 4 avril, elle affichera les listes définitives.
La chasse des candidats
Au cours des derniers jours, les tractations et autres magouilles sont allées bon train du côté des formations politiques notamment, dont certaines sont parties tôt à la chasse des candidats. Un défi énorme, étant donné les critères draconiens qu’impose le code électoral et qui sont hors de portée de la plupart d’entre eux. D’autant plus que les candidats ne se bousculent pas au portillon des petites municipalités, surtout. Pour se tailler des sièges au sein des 350 municipalités, chaque formation est appelée à fournir des listes de 7.280 candidats, sans compter les listes complémentaires d’au moins un millier de personnes. Le nombre de candidats varie entre 12 et 60, selon la taille de la commune. C’est ainsi que la municipalité de Tunis garde la première place avec 60 conseillers pour 637.568 habitants recensés. Viennent ensuite Sfax et Sousse avec 42 conseillers pour respectivement 280.566 et 221.715 habitants.
La plus petite municipalité se trouve dans le gouvernorat du Kef. Il s’agit de Menzel Salem, qui compte seulement 1.824 habitants dont moins de la moitié vont élire 12 conseillers.
Avant de composer sa liste, il faut d’abord vérifier les conditions d’éligibilité. Pour être candidat dans une commune, il faut être électeur inscrit dans la circonscription où on va se présenter et ne doit pas tomber sous le coup d’une quelconque interdiction. Le Code électoral prévoit des cas d’inéligibilité ou d’incompatibilité propres au scrutin municipal, comme c’est le cas des personnes exerçant certaines fonctions : les magistrats, les gouverneurs, les premiers délégués, les secrétaires généraux des gouvernorats, les délégués et les chefs de secteurs, les comptables municipaux et régionaux, les agents des municipalités et des régions, les agents des gouvernorats et des délégations. Chaque liste doit respecter la parité et veiller à alterner un homme et une femme, ou vice-versa. Si ce critère pourrait être satisfait dans les grandes villes, il n’est pas donné qu’il le soit dans les communes de petite taille où l’équilibre serait difficile à atteindre. On risque alors de prendre les gens pêle-mêle et non pour leur capacité à être conseiller municipal. Toute liste doit, en plus, comporter au moins un handicapé parmi les dix premiers et un jeune de moins de 35 ans parmi les six premiers et à chaque fois que cela se répète. D’où cette quête inlassable des candidats répondant aux critères requis, notamment parmi les handicapés dont le nombre ne suffit pas, selon l’Isie, pour couvrir toutes les municipalités. Plus encore, les candidats ne pourront bénéficier de la subvention publique qu’après la proclamation des résultats définitifs. Cette subvention ne sera versée qu’à la liste candidate qui «a recueilli au moins 3% des suffrages exprimés dans la circonscription électorale et à condition de produire un justificatif de dépôt des états financiers auprès de la Cour des comptes et après vérification du respect par le candidat ou la liste candidate des obligations légales relatives à la campagne électorale et son financement». (Article 49 ter de la loi organique n° 2017-7 du 14 février 2017, modifiant et complétant la loi organique n° 2014-16 du 26 mai 2014 relative aux élections et référendums). 
Un autre casse-tête pour les partis : le choix des têtes de liste. Dans le cas des municipales, c’est souvent «une figure locale appréciée », quelle que soit la taille de la ville. La convaincre d’être sur sa liste est donc un atout supplémentaire qui pourrait peser sur le choix des électeurs. Comme pour les législatives, Ennahdha et Nida Tounès ont jeté leur dévolu en premier lieu sur des hommes d’affaires pour garantir les dépenses de la campagne. Ils ont également choisi des dirigeants sportifs qui constituent de belles recrues dont la candidature est souvent médiatisée.
Les deux partis puisent, également, leurs candidats dans le «réservoir» du RCD dissous mais qui ont conservé leurs réseaux. Ces «Rcédistes» ont préféré rallier des partis «sûrs» que de s’engager dans les formations créées sur les décombres de l’ancien parti au pouvoir. Le mouvement de Rached Ghannouchi a réussi à composer des listes qualifiées d’indépendantes portées par des figures de l’ex-RCD suivis de membres d’Ennahdha.
Le véritable enjeu
Les deux mouvements Nida Tounès et Ennahdha sont les seuls à avoir annoncé leur participation dans toutes les circonscriptions électorales. Les listes des coalitions formées de plusieurs partis sont moins nombreuses que prévu, alors que les indépendantes ou supposées indépendantes vont couvrir la plupart des municipalités.  
Sur un autre plan, le Code des collectivités locales, qui compte plus de 360 articles, n’est pas encore adopté. La commission de législation générale n’a pas achevé l’examen du projet et certains articles posent déjà problème. Il doit être approuvé par l’Assemblée des représentants du peuple avant le 14 avril pour servir de base aux élections.  Et même si certains penchent vers l’application de l’ancienne loi de 1975, ce serait vraiment anachronique car cette loi fait des municipalités de simples structures sans aucune indépendance placées sous l’autorité de délégués et des gouverneurs. Elles seront, selon certains partis, sans intérêts si elles sont tenues dans les conditions actuelles et notamment en l’absence du code des collectivités locales. De plus, les nouvelles communes créées par le gouvernement ne sont pas encore prêtes. Certaines d’entre elles n’ont ni locaux, ni personnel, ni budget. 
Ces élections, qui sont censées ancrer le processus démocratique à l’échelle locale, ne mobilisent pas, outre mesure, les citoyens, de plus en plus indifférents à cette échéance, pourtant très importante, parce qu’elle pourrait permettre d’améliorer leur quotidien dont la dégradation les irrite et les révolte. Dissoutes après le 14 janvier 2011 et remplacées par des délégations spéciales, les municipalités sont devenues ingérables. Chaque gouvernement qui s’installe dissout et remplace les délégations à sa guise et au bon vouloir des partis qui le composent. Leur remplacement par de nouvelles équipes dirigées par les délégués est contesté par l’opposition qui voit dans cette formule une manœuvre des partis du gouvernement pour agir sur les résultats du scrutin. La gestion des villes est devenue défaillante, le ramassage des ordures aléatoire.
Sans se hasarder à se prononcer sur les chances des différentes listes, les sondages sont interdits depuis le 15 février, on risque d’avoir un bon nombre de conseillers municipaux alliant incurie et incompétence, portés, certes, par les urnes, mais incapables d’assumer leur rôle d’acteurs principaux de la démocratie locale.  Des élus sans envie d’agir pour leur commune, parce que dépourvus du sens du devoir et d’une réelle volonté de servir les citoyens. Pourtant, ces élections ne se limitent pas à de simples enjeux locaux comme le ramassage des ordures ou encore la taxe municipale. Le véritable enjeu est l’instauration d’un nouveau pouvoir, le pouvoir local. Mais avec quels conseillers municipaux ?

Brahim OUESLATI

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