La semaine dernière, le Président de la République, Mohamed Ould Abdel Aziz, a présidé, au palais présidentiel à Nouakchott, la cérémonie de prestation de serment du président et les membres de la commission de transparence financière dans la vie publique, et ce à l'occasion du début de l'exercice de leurs missions.
Cette prestation de serment intervient cinq ans après la promulgation de Loi N° 2007/054 relative à la Transparence financière de la vie publique le 18 septembre 2007. A regarder de près la composition de cette institution au rôle très important, on se rend compte qu’elle aura du mal à remplir convenablement sa mission qui est d’éplucher et de contrôler des montages financiers souvent complexes.
La Commission est présidée par Me Yahifdhou Ould Mohamed Youssef, président de la Cour Suprême et elle comprend:
- le magistrat Limam Ould Mohamed Vall, conseiller à la cour suprême comme vice-président
- le magistrat Mohamed Abdallahi ould Beydah, conseiller à la cour suprême, membre
- le magistrat Abdallahi Mohamed, président de la chambre financière à la cour des comptes, membre
- le magistrat Ahamd El Hacen Ould Mohamed Hamed, président du Haut Conseil Islamique, membre de droit
- Amadou Yero Kidé, magistrat à la retraite et Imam d'une mosquée,
- Deddah Ould Mohamed Salem, membre du Haut Conseil Islamique et Imam d'une mosquée, suppléant.
En principe la Commission pour la transparence financière de la vie politique est chargée du contrôle des déclarations de patrimoine de plus de 500 personnalités (ministres, Secrétaires Généraux des Départements ministériels et Assimilés ; Chefs d’Etat major de l’Armée, de la Gendarmerie et de la Garde Nationale ; Chefs de missions diplomatiques et consulaires ; Walis ; Directeur général de la Sûreté Nationale ; Directeur des Douanes, du Trésor, du Budget, des Impôts au ministère chargé des Finances ;
Intendants de l’Armée, de la Gendarmerie et de la Garde Nationale ; Directeurs chargés des Finances dans les ministères ; Directeurs des établissements publics et des sociétés à capitaux publics ou mixtes ainsi que leurs présidents de conseils d’administration, ou de l’organe en tenant lieu ; Directeurs de projets publics et d’agences bénéficiant de l’autonomie financière ainsi que les responsables des organisations de la société civile bénéficiant de l’aide publique à hauteur d’un montant qui sera fixé par décret et les Comptables des établissements publics, institutions ou services dont le budget est supérieur à un montant fixé par décret.) Son rôle consiste à vérifier que les personnes assujetties n'ont pas bénéficié d'un enrichissement anormal du fait de leurs fonctions.
Chaque personnalité est soumise à l'obligation de déposer une déclaration de situation patrimoniale au début et à la fin de son mandat ou de ses fonctions. La commission apprécie la variation du patrimoine entre ces deux déclarations. Dans le cas où elle constate des évolutions de patrimoine pour lesquelles elle ne dispose pas d'explications satisfaisantes, elle transmet le dossier au parquet après avoir mis l'intéressé en demeure de présenter ses observations. Mais le parquet peut il poursuivre un justiciable pour la simple raison qu’il s’est enrichi de manière inexpliquée ? Assurément non, sinon la plupart des mauritaniens passeraient par la case Prison.
Certains pays ont privilégié la pression morale de l’opinion publique. Ainsi au Sénégal voisin, le Conseil Constitutionnel est chargé de recevoir la déclaration de patrimoine du président de la république de la traiter, d’en conserver les données aux fins d’enquête en cas de soupçon d’enrichissement illicite ou de tout autre acte de corruption.
« La Constitution du Sénégal, dans son article 37, fait obligation au Conseil Constitutionnel de rendre publique la déclaration de patrimoine. Autrement dit, le législateur consacre, par cette disposition, le droit du peuple sénégalais à prendre connaissance du contenu de la déclaration de patrimoine du président de la république. »
En France, la déclaration de patrimoine du président est diffusée auprès de tous les citoyens français, voire auprès de tous les citoyens du monde par la magie de l’Internet. C’est dire que le serment prêté par la Commission nationale mauritanienne de « garder les secrets déposées auprès de cette commission, d’empêcher leur diffusion et leur communication par tous les moyens possibles au cours de l’exercice de leurs fonctions, et après la fin de celles- ci » est un facteur d’opacité plutôt que de transparence.
On voit mal comment des personnes nommées par le président se hasarderaient à aller à l’encontre de ses intérêts. De plus la loi mauritanienne exclue de l’obligation de déclaration les enfants majeurs or dans les sociétés familiales comme la notre on sait que l’on peut aisément accumuler une fortune colossale en utilisant les enfants, les frères et même les cousins. C’est dire qu’il est très facile de contourner la loi actuelle.
B.C.
http://www.cridem.org/C_Info.php?article=638088