Présidentielle : Le suspense durera jusqu’au dernier jour, affirment les milieux de Aïn el-Tiné

Fuente: 
L´Orient Le Jour
Fecha de publicación: 
20 Oct 2016

Jamais une échéance présidentielle n'aura été aussi complexe et déroutante que celle dont témoigne actuellement le Liban. Jamais elle n'aura généré une reconfiguration des alliances aussi étourdissante.

Désormais, la convergence des intérêts et les sympathies ne se font plus autour d'une ligne politique donnée, mais pour ou contre un candidat, Michel Aoun, qui, reconnaissons-le, n'a cessé de soulever des passions dans un sens comme dans un autre. L'opposition grandissante contre le personnage et les affirmations mitigées de part et d'autre sur son élection potentielle et le flou autour du pointage ont entretenu le suspense et continueront de l'entretenir jusqu'à la prochaine échéance, le 31 octobre.

Certes, la tentation est grande de croire que tout se déroulera aujourd'hui même selon « le plan escompté » et annoncé hier par des députés du Courant patriotique libre: à savoir l'annonce officielle cet après-midi du soutien du chef du courant du Futur, Saad Hariri, à son nouveau « poulain », le chef du bloc du Changement et de la Réforme, Michel Aoun.
Les invitations qui auraient été adressées aux députés et aux différentes personnalités pour qu'ils se rendent aujourd'hui à 17 heures à la Maison du Centre laissent entendre que le cadre formel de cette annonce a déjà été mis en place. Il reste à voir quelle sera la mise en scène finale, si elle a effectivement lieu, et la forme qu'utilisera M. Hariri pour faire avaler la pilule à la longue liste des frondeurs.

Aux oppositions multiples suscitées parmi une large frange de protagonistes politiques – les Kataëb, le PSP, les Marada, plusieurs députés indépendants, pour ne citer que ceux-là – est venu s'ajouter un poids lourd sur l'échiquier de la contestation: le chef de l'Assemblée, Nabih Berry, avec son bloc de 13 députés. Pour la seconde journée consécutive, ce dernier a exprimé hier devant une pléthore de députés un niet « irréversible » selon certains, affirmant que son bloc ne votera pas en faveur du général Aoun.
Une position que les milieux du CPL ont tenté de lénifier, notamment par la bouche du député Alain Aoun, convaincu que M. Hariri « ne reviendra pas sur sa position ». Le député s'est dit par ailleurs confiant quant à l'aboutissement des « démarches qui vont avoir lieu dans les heures qui suivront l'annonce officielle de M. Hariri ». Tout en reconnaissant que l'obstacle « Berry » n'est pas des moindres, Alain Aoun a assuré qu'il « peut-être levé ».

C'est un son de cloche tout à fait différent que l'on entend cependant auprès des sources proches de Aïn el-Tiné qui assurent à qui veut l'entendre que la cassure est réelle et se traduira en bulletins de vote défavorables au fondateur du CPL.
« Il n'est plus question à ce stade de calmer le jeu. Soit on vote pour, soit on vote contre. M. Berry a une seule parole et il l'a fait clairement entendre aujourd'hui ( hier) dans l'hémicycle », a affirmé une source proche de M. Berry dans un entretien à L'OLJ. Celle-ci a assuré que la « seule certitude » pour l'heure est que les députés du bloc Berry feront acte de présence le 31 octobre, date de la séance parlementaire électorale, et voteront comme ils l'entendent. « Mais rien d'autre n'est sûr. D'ici là, beaucoup de chose peuvent changer », insiste la source, qui ajoute, sur un ton mi-figue mi-raisin: « Personne ne sait ce qui va se passer avant le jour J. Un troisième candidat, voire un quatrième pourrait surgir d'ici là. »

Dans les milieux proches des aounistes, on estime toutefois qu'il n'est pas trop tard pour tenter de colmater les brèches.
C'est ainsi que l'on peut comprendre notamment la déclaration, en soirée, du ministre de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur, Élias Bou Saab, qui, dans ce qui est apparu comme une main timidement tendue au chef de l'Assemblée pour le rassurer sur la teneur de « l'entente » conclue entre MM. Hariri et Aoun, a déclaré : « Notre accord avec le courant du Futur a porté sur les grandes lignes, et toutes les informations qui circulent sur des transactions (secrètes) sont infondées. » Le ministre faisait allusion à la valse de rumeurs qui a entouré les tractations menées entre les deux parties, notamment à Paris, sur une package deal comprenant la répartition des portefeuilles ministériels, dont celui de l'Énergie et de l'Eau, qui reviendrait, selon les propos rapportés, au CPL.

À Aïn el-Tiné, on refuse de commenter les détails de ces échanges, encore moins leur teneur, pour insister sur la politique de « marginalisation » de nombreux acteurs politiques au cours du processus, et le fait qu'ils aient été mis devant le fait accompli imposé par les deux hommes.
« Tous ceux qui ont été écartés du processus se sentent politiquement visés par cette entente. Je répète après Walid Joumblatt : Nous ne sommes pas des moutons », martèle la source précitée en référence au tweet posté mardi par le chef du PSP.
Selon cette source, l'aberration va encore plus loin : « Ce sont les deux formations qui ont torpillé le dialogue, placé sous le thème de la présidentielle, et qui ont renversé la table et ont fini par se retrouver pour concocter une entente en catimini. »

Bref, c'est pour dire le ressentiment et l'hostilité suscités, dans ces milieux, par « l'option Aoun » ou plutôt par la manière dont elle a été échafaudée et perçue, notamment par le parrain du dialogue.
Ce dernier détient-il pour autant un pouvoir d'obstruction capable de remettre en cause ce que certains estiment déjà comme quasiment acquis ? M. Berry pourrait-il revenir sur sa décision et accepter d'aller à mi-chemin en direction du tandem Aoun-Hariri, comme l'a préconisé hier le chef des Marada, Sleiman Frangié, qui a appelé hier les politiques à un juste milieu ?

Certains croient que cette hypothèse est encore envisageable et rappellent que le différend entre MM. Berry et Aoun est « de nature tactique et non stratégique », les deux hommes faisant partie d'un même axe politique et partageant en définitive une même vision sur les grandes questions.
Il reste que le décideur ultime, le Hezbollah, ne s'est pas encore prononcé. Les propos à teneur « positive » exprimés hier par l'un des députés du parti, Nawaf Moussaoui, laissent croire que le parti pourrait voler en dernière minute à la rescousse de son candidat favori pour lever les obstructions et aplanir les dernières difficultés. C'est ce que confirme une source informée proche du CPL qui rapporte que Michel Aoun aurait reçu des assurances en ce sens de la part du dignitaire chiite.

Auteur: Jeanine Jalkh

Source:http://www.lorientlejour.com/article/1013688/presidentielle-le-suspense-...