Loi électorale : on avance puis on recule

Fuente: 
L'Orient Le Jour
Fecha de publicación: 
22 Feb 2017

Le mutisme le plus total prévaut depuis quelques jours autour de la réforme électorale qui semble reléguée au second plan, l'examen du budget lui ayant volé la vedette. La réalité est toute simple, celle du retour à la case départ, aucune formule proposée n'ayant fait l'unanimité à ce jour, en dépit du temps qui manque.
L'inflation de propositions en matière de réforme électorale – avec plus de six différentes suggestions sur la table des négociations – n'aura fait que compliquer un peu plus la donne et mis au pied du mur les parties en dévoilant leurs intentions réelles. En somme, la volonté politique n'y est tout simplement pas, résument les analystes.

La signature hier in extremis du décret de convocation des collèges électoraux par le Premier ministre, Saad Hariri, n'est rien d'autre qu'une mesure de pure forme pour montrer ne serait-ce qu'un respect de façade pour la procédure en vigueur, comme l'avait fait avant lui le ministre de l'Intérieur, Nouhad Machnouk, qui s'est également acquitté de son « de son devoir constitutionnel ». On le sait déjà : le président de la République a promis et juré que les élections ne se tiendront pas selon la loi de 1960 en vigueur, une position avalisée par une majorité de protagonistes.

Le chef de l'État, Michel Aoun, qui a annoncé à maintes reprises qu'il ne signera pas le décret, place ainsi la République devant une nouvelle impasse et les parties politiques devant leurs responsabilités, croyant pouvoir les contraindre à s'entendre coûte que coûte sur une nouvelle loi. Un moyen de pression qui risque toutefois de ne pas produire ses effets. Les choix restants seraient donc la prorogation du mandat des députés – une troisième fois consécutive, option que le président à toutefois écartée –, sinon le vide, sans que personne ne sache exactement ce que ce cas de figure signifie dans le concret. Pour les plus optimistes, la possibilité de parvenir à mettre en place un nouveau texte existe toujours, auquel cas le report technique serait envisageable.

 

(Lire aussi : Incertitude et flou après la convocation de Machnouk)

 

Pour les experts et observateurs, les signes précurseurs ne sont pas rassurants à ce jour. C'est ce que croit savoir la directrice exécutive de la LADE (Association libanaise pour la démocratie des élections) Yara Nassar, qui effectue pour L'Orient-Le Jour un bilan négatif de « huit années consécutives de discussions et d'échanges infructueux pour trouver une nouvelle loi ». « Qu'est-ce qui a changé aujourd'hui, et pourquoi devons-nous nous attendre à ce qu'un compromis puisse émerger tout d'un coup ? » s'interroge la responsable. Le parallélisme à établir avec le scénario de 2013, à la veille de la première prorogation, est d'ailleurs tentant, et la prorogation est à craindre cette fois-ci encore, constate Mme Nassar.
Ses craintes sont également partagées par le directeur de Statistics Lebanon, Rabih Habre, qui relève que les partis politiques multiplient les réunions, les formules et les discussions « pour se faire bonne conscience. Ce n'est que du folklore », dit-il, en dénonçant le fait que les différents partis s'entourent d'experts non pas avec l'intention de trouver une solution, mais simplement pour calculer leur poids et les sièges qu'ils obtiendraient selon telle ou telle formule.

Sur le terrain, les parties campent sur leurs positions et se jettent mutuellement la responsabilité du blocage. Les doigts accusateurs pointent cependant plus souvent en direction du tandem chiite. Mais le Hezbollah s'en défend. « Reprenez donc un par un les derniers projets qui ont été débattus entre les protagonistes, faites un pointage et vous verrez qui sont réellement ceux qui ont refusé telle ou telle proposition », commente un responsable du Hezbollah. Et de rappeler que le parti chiite avait accepté le projet de la proportionnelle appliquée à des circonscriptions moyennes adopté par le gouvernemenr de Nagib Mikati, tout comme le projet mixte présenté par le chef du Parlement, Nabih Berry.

Le responsable fait également remarquer que le Hezbollah n'a cessé de dire qu'il était prêt à accepter toute autre formule sur la seule base de « critères unifiés et d'une représentation équitable. Telles sont nos conditions et rien de moins. Aucune formation ne devrait obtenir plus de représentants qu'elle ne vaut ».
Dans une déclaration à la presse, le ministre de la Jeunesse et des Sports, Mohammad Fneich, a appelé hier les autres parties à venir rejoindre le tandem chiite « à mi-chemin pour trouver une solution ».

 

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Un bonus à Joumblatt
Entre-temps, une nouvelle proposition – encore une – a fait discrètement son chemin ces derniers jours. En cherchant à apaiser les appréhensions du chef du PSP, Walid Joumblatt, les Forces libanaises ont concocté « la meilleure formule à laquelle il puisse aspirer », confie à L'OLJ un responsable du parti. « Conçu sur le modèle mixte, le projet assurera à M. Joumblatt le retour à la Chambre des 11 députés de son bloc, avec les cazas de Aley et du Chouf réunis en une seule circonscription », explique ce responsable.
Il assure que le leader druze a déjà donné son « accord de principe ». « À ce stade, il préfère cependant ne pas s'engager publiquement en faveur de cette formule puisqu'il continue de tabler sur la possibilité de la tenue des élections sur la base de la 1960, qui reste son choix premier », explique-t-il.

Une fois l'obstacle des craintes joumblattistes levé, il reste à convaincre le CPL, qui « n'est pas particulièrement content de cette nouvelle formule », commente le responsable FL, et bien entendu le tandem chiite, qui ne saurait accepter une nouvelle proposition qui déroge à l'unité des critères requise par le Hezbollah, dans la mesure où le mohafazat du Mont-Liban aura été exceptionnellement divisé en deux : Aley et le Chouf d'un côté, et le reste, Baabda, le Kesrouan, le Metn et Jbeil, de l'autre

 

Date: 22/02/2017

Author: Jeanine Jalkh

Source: https://www.lorientlejour.com/article/1036561/on-avance-puis-on-recule.html