Une mouture faite dans la précipitation

Source: 
El Watan
Publication date: 
May 18 2014

Une nouvelle Constitution sur mesure. Attendue comme une «révolution», la copie de ce que devait être la réforme constitutionnelle de Abdelaziz Bouteflika a déçu.

Le texte, rendu public jeudi pour servir de base à des discussions autour de la nouvelle Loi fondamentale, n’apporte rien de nouveau en dehors du retour à la limitation de mandats présidentiels à deux. Alors qu’il avait promis une réforme «consensuelle», Abdelaziz Bouteflika, qui a confié le projet à des juristes à la réputation établie, a remis une copie «rédigée dans l’urgence» afin de parer «à une absence physique du chef de l’Etat».

Contacté hier, Boudjemaâ Ghechir, avocat et ancien président de la Ligue algérienne des droits de l’homme, ne trouve rien de nouveau à ce texte proposé par le chef de l’Etat. Pour l’avocat, la copie bouteflikienne, que les laudateurs présentent comme révolutionnaire, n’apporte «rien de nouveau». «J’ai l’impression que le texte a été rédigé dans l’urgence, afin de palier à l’absence physique du chef de l’Etat. Le reste n’est que maquillage», estime M. Ghechir. Ce dernier ajoute que «pour palier ce vide, le chef de l’Etat fait semblant de donner plus de prérogatives au Premier ministre. Or, dans les faits, un pouvoir attribué est un pouvoir qu’on peut retirer.

Le Président reste donc le maître du jeu». Plus grave encore, ajoute le juriste, «le texte est très mal rédigé, en arabe et en français».
Et pour boucler la boucle, l’avocat inscrit au barreau de Constantine donne une preuve que la copie de Bouteflika est le produit d’un bricolage : «Les rédacteurs du texte ont augmenté le nombre des membres du Conseil constitutionnel pour offrir plus de place aux rentiers du système. Mais ils n’ont même pas remarqué que le nombre (pair) de 12 peut poser problème en cas d’égalité des voix lors des délibérations ! C’est du n’importe quoi !» Le défenseur des droits de l’homme rappelle que, dans le principe, cette institution peut être saisie par n’importe quel citoyen.

«C’est de la littérature»

L’avis est partagé par un autre militant des droits de l’homme, Noureddine Benissad, qui estime que le Conseil constitutionnel, vrai garant du respect de la Constitution sous d’autres cieux, ne «peut être saisi que par une minorité de la population. C’est du n’importe quoi». Selon le président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme, qui n’a même pas reçu le document de la présidence de la République, «la copie présentée par Bouteflika n’apporte rien du tout, en dehors du retour à la limitation des mandats».

Le reste «existe» dans l’actuelle Constitution, précise encore Me Benissad. Même lorsqu’on lui pose la question sur l’article relatif à «la protection des juges», Me Benissad trouve que cela n’a pas de sens puisque «ce sont des textes qui existent dans l’actuelle loi», mais qu’il y a un décalage entre la Loi fondamentale qui garantit l’indépendance du pouvoir judiciaire et la réalité qui donne le pouvoir au chef de l’Etat d’être lui-même président du Conseil supérieur de la magistrature.

Autre oubli de cette copie du pouvoir : tamazight n’est pas promue langue officielle. «Si nous ne réglons pas la question de l’identité nationale, nous n’aurons rien réglé», affirme Boudjemaâ Ghechir, qui qualifie le «maquillage» de ce projet de «simple littérature». C’est ce qui résume la volonté du pouvoir et sa vision des réformes politiques.

 

Autor: Ali Boukhlef

Source/Fuente: http://www.elwatan.com/actualite/une-mouture-faite-dans-la-precipitation...