Que cache le retour politique de Belkhadem ?

Source: 
El Watan
Publication date: 
Apr 27 2015

La situation catastrophique au sein du FLN fait partie, avec la maladie du Président et la chute du prix du pétrole, des risques potentiels pour la stabilité du pays.

Abdelaziz Belkhadem n’aurait jamais pris le risque d’organiser un dîner avec des membres du comité central et lancer la campagne contre le secrétaire général du FLN, s’il n’avait pas reçu certaines assurances. L’homme connaît trop bien le fonctionnement du régime pour agir sans garantie», déclare un membre du comité central qui a pris part au fameux dîner organisé par l’ancien secrétaire général du FLN pour fêter son retour de La Mecque.

Ce retour en grâce a surpris même les plus fidèles parmi ses soutiens qui n’y croyaient plus. Il faut dire que l’ancien conseiller spécial de Bouteflika a connu une sortie de route des plus brutales. Limogé avec fracas, il fut jeté en pâture à l’opinion publique et accusé de graves dépassements. Pêle-mêle, on lui reprocha sa participation à une université d’été en présence du félon Ali Benflis, mais également d’avoir initié des discussions avec des membres influents du makhzen marocain et avec des responsables de l’Etat islamique en Irak et dans le Levant (Daech).

En réalité, ce retour marque la reprise en main du parti par l’appareil politico-militaire. La situation du parti qui, depuis 1962, a été transformé en instrument politique au service du régime, n’a pas échappé au plus haut responsable du pays. Car le FLN n’est pas un parti comme les autres et le centre de gravité de l’institution militaire a toujours penché en sa faveur.

Dans un entretien accordé en novembre 2014 au quotidien arabophone El Khabar, le colonel à la retraite Mohamed Khalfaoui, un ancien du Département du renseignement et de la sécurité (DRS), rappelait le lien étroit qui unit l’institution militaire au FLN : «Il y a une corrélation forte entre le FLN, l’armée et son appareil sécuritaire, qui est un facteur d’équilibre pour l’Etat et sa sécurité. Si cet équilibre est rompu, on plonge dans une période d’incertitude et c’est ce que nous vivons actuellement.»

Estimant que la situation catastrophique au sein du parti fait partie, avec la maladie du Président, la menace de Daech et la chute du prix du pétrole, des risques potentiels pour la stabilité du pays. Le retour de Belkhadem est à mettre dans la volonté du régime de remettre en ordre de bataille le parti et de l’arrimer au courant «islamo-conservateur», au moment où les signaux économiques sont en passe de virer au rouge avec la chute des cours du pétrole.

La religion et le patriotisme ont toujours été utilisés par le pouvoir dans les moments difficiles pour contenir la contestation et cimenter le pays autour des valeurs nationalistes. «C’est un vieux réflexe du régime de s’appuyer, quand ça va mal, sur la religion et les valeurs patriotiques», rappelle un ancien ministre, qui estime par ailleurs que le secrétaire général actuel fait peser sur le parti le risque d’une bérézina aux sénatoriales prévues en décembre. «Si le FLN va aux sénatoriales en rangs divisés comme c’est le cas actuellement, il est assuré de prendre une raclée. Il lui sera impossible de garder ses 41 sénateurs.» Dans la course à la succession qui se prépare, le système a besoin de candidats potentiels.

Si les noms de l’ancien chef de gouvernement Ahmed Ouyahia est souvent cité comme un possible recours, il est toutefois plombé par son «impopularité» réelle ou supposée. De même pour le Premier ministre Sellal, dont on doute de sa capacité à occuper les plus hautes fonctions. Reste ainsi Belkhadem. Si l’homme demeure un fidèle du Président, il n’en est pas moins un proche de Toufik, le patron du DRS.

Lors des événements de 1990, Belkhadem, qui avait tissé des liens étroits avec les ambassades iraniennes et saoudiennes jusqu’à se faire accuser de haute trahison par une partie de la presse, avait permis au pouvoir de mieux juger des attaches des deux pays avec le FIS. Comme le résume un membre du comité central : «Abdelaziz Belkhadem est un couteau suisse qui peut servir à plusieurs niveaux. Il peut remettre le parti dans le giron conservateur et en même temps offrir une option pour la succession en préservant les intérêts de toutes les parties du pouvoir.»

 

Source: http://www.elwatan.com/actualite/que-cache-le-retour-politique-de-belkha...