Youssef Chahed lance le temps des réformes

Source: 
Huffpost
Publication date: 
Mar 23 2018

Le chef du gouvernement Youssef Chahed s’est exprimé vendredi face à l’Assemblée des représentants du peuple dans le cadre d’une séance d’audition provoquée par les députés.

Le chef du gouvernement Youssef Chahed s’est exprimé vendredi face à l’Assemblée des représentants du peuple dans le cadre d’une séance d’audition provoquée par les députés.

Au cours de son discours d’introduction, Youssef Chahed a passé en revue les nombreuses réussites de son gouvernement mais aussi les nombreux défis, annonçant le temps des réformes.

L’enjeu des élections municipales

“Je vais commencer par une question dont la réponse est la clé pour comprendre ce qui se passe aujourd’hui sur la scène politique en Tunisie: Qui ne veut pas que les élections municipales aient lieu le 06 mai 2018?” a débuté Youssef Chahed son discours annonçant avoir une partie de la réponse.

“La présidence de la République et le gouvernement ont fait leur travail, des partis croient en la transition démocratique et veulent que les élections aient lieu mais il y a des gens qui refusent les élection municipales. Ils pensent que les élections municipales seront un coup porté à leur avenir politique” a-t-il expliqué ajoutant que d’autres cherchent à recréer “le passé et l’exclusion”.
Pour lui, ces gens là sont à l’origine des tensions entre l’UGTT et le gouvernement:“Ces gens veulent un combat entre le gouvernement  et l’UGTT et font tout pour pourrir la situation”.

“Ces personnes parient sur l’échec du Gouvernement d’Union nationale et son départ. Je vous le dit: Essayer de faire échouer les élections municipales est peine perdue (...) ça n’arrivera pas!” a martelé Youssef Chahed.

Évaluation du travail gouvernemental

“L’évaluation du travail du gouvernement ne me dérange pas. C’est le droit des Tunisiens après un an et demi de faire l’évaluation du travail du gouvernement. Mais il faut qu’il soit réel et objectif et non basé sur des considérations partisanes à visées politiques” a précisé Chahed commençant ainsi l’évaluation.

Après être revenu les situations économique et sécuritaire difficiles, il affirme: “Il ne faut pas oublier que ce gouvernement à fait face à des grands défis, nous sommes arrivés 5 mois après les évènements de Ben Guerdane. 4 mois avant il y a eu l’attentat contre le bus de la garde présidentielle (...) Il ne faut pas l’oublier”.

″Il faut qu’on se rappelle où on était avant que l’on prenne les choses en main. Sans sécurité, il n’y aurait pas eu d’investissement, de relance du tourisme” 

Pour lui, la sécurité seule, ne fait pas relancer une économie exsangue: “Il faut du temps pour la reprise du cycle économique”.

Poursuivant sur le volet sécuritaire, Youssef Chahed affirme être “fier” des “victoires sécuritaires contre le terrorisme” mais signale une dichotomie dans le discours de ces détracteurs.

“D’un côté on honore le résultat des forces sécuritaires et de l’autre, on dit que le gouvernement n’a pas réussi. Les forces sécuritaires travaillent seuls? Elle ne sont pas sous le gouvernement et la présidence de la République? Ce dernier n’est-il pas le chef des forces armées? (...) Ce gouvernement a réussi à redonner confiance aux forces de l’ordre et leur a donné les moyens. C’est à mettre à l’actif du gouvernement” s’est emporté le chef du gouvernement.

Le temps des réformes

Faisant l’état des lieux économique Youssef Chahed évoque un document présenté aux députés, “un document avec les réalisations et à venir à l’horizon 2020”.

Parmi les réalisation , le chef du gouvernement évoque “de nombreuses décisions pour relancer l’économie. On commence aujourd’hui à avoir les prémices de leurs réussites: hausse du taux de croissance, baisse du taux de chômage des diplômés chômeurs...beaucoup de secteurs retrouvent leur verve, comme le tourisme ou le textile” a-t-il affirmé notant au passage quelques problèmes à l’instar de celui du taux de change ou des devises. Mais selon lui le plus grand problème se situe ailleurs.

“Le problème se situe dans les finances publiques, et le problème est structurel. (...) La seule solution c’est de faire des réformes structurelles” annonce Youssef Chahed assurant avoir une vision claire “pour la réforme des caisses sociales, les subventions et l’administration publique”, des réformes que le gouvernement a présenté à ses partenaire sociaux.

“L’heure est arrivée de prendre des décisions concernant ces dossiers (...) Si les réformes ont un coût, ne pas faire ces réformes coûte encore plus cher”

“Nous avons bon espoir de trouver un compromis sur les réformes présentées mais il y a des délais, il y l’intérêt suprême de la nation” affirme Youssef Chahed annonçant que ces réformes seront mises en place le plus tôt possible “peu importe le coût politique”.

La réforme des caisses sociales

“La réforme la plus urgente est celle des caisses sociales. Leur situation est plus que grave. Il faut garder le système social qu’on a crée après l’indépendance un des plus grand acquis de la Nation basé sur la solidarité entre les générations, entre ceux qui travaillent et les retraités” a-t-il expliqué.

“Si on veut garder notre système social, il faut le réformer. On l’a dit de nombreuses fois: Il n’y a pas beaucoup de solutions (...) On a commencé quand on a mis dans la loi finance 2018 une participation sociale solidaire de 1% à destination des caisses sociales, mais cela n’est pas suffisant” a-t-il avancé proposant la mise en place de nouvelles lois et fixant un ultimatum aux partenaires sociaux:

“On vous a présenté un document ce matin contenant un projet de décret pour réformer la CNSS et un projet de loi pour réformer la CNRPS: la semaine prochaine on va demander une décision définitive à nos partenaires sociaux avant de le déposer en conseil des ministres et à l’ARP”

La réforme des entreprises publiques

“La réforme concernera les entreprises publiques (...) mais réforme ne veut pas dire cession” a précisé d’emblée Youssef Chahed.

Pour lui,iIl faut faire la différence entre les entreprises publiques dans les secteurs concurrentiels dont la situation est différentes des autres entreprises publiques.

″Quand je parle de secteurs concurrentiels, cela exclut donc la STEG, la SONEDE, ou encore les entreprises publiques du secteur de la santé ou de l’éducation” a-t-il expliqué.

Le plus gros problème se situe selon lui au niveau des entreprises publiques se trouvant dans des secteurs concurrentiels: “Aujourd’hui, nos finances publiques ne permettent plus de supporter des entreprises publiques dans des secteurs concurrentiels, et qui continuent de survivre grâce aux subventions de l’État et qui ne peuvent emprunter qu’à travers les garanties de l’État” a-t-il affirmé ajoutant que les pertes des entreprises publiques ont atteint 6500 millions de dinars.

″L’État a encore des entreprises dans des secteurs concurrentiels non stratégiques. Il n’y a pas de raisons que l’État soit encore actionnaire dedans. Leur cession pourra donner de grands moyens aux finances publiques, nous évitant d’aller emprunter de l’argent à l’étranger” martelé Chahed.

Concernant les autres entreprises publiques, leurs réformes entre dans le cadre d’une vision globale “de restructuration de ces entreprises, qui protège le droit des travailleurs dans leur ensemble et qui leur donne de la productivité”.

“Cette restructuration doit être basée sur des principes essentiels comme la paix sociale et la sauvegarde des emplois” a-t-il soutenu.

“Je n’accepterai, pour préserver mon poste, de voir ces réformes ajournées. J’espère que tout le monde fera de même afin que ces réformes se fassent de façon consensuelle”

La réforme de l’éducation

Après son plan de réforme des entreprises publiques Youssef Chahed s’est attaqué à l’école publique “qui doit être un ascenseur social”.

“Mais aujourd’hui, tout le monde le sait, l’ascenseur social est en panne (...) C’est pourquoi, l’éducation est pour nous une priorité”.

Faisant le bilan des institutions éducatives, il affirme: “50% d’entre elles ont plus de 50 ans. Si on y ajoute l’absence d’entretien sur ces dizaines d’années, cela donne une dégradation de l’infrastructure”.

“Nos écoles souffrent aussi d’un manque au niveau du cadre éducatif, d’un manque au niveau de la formation de base, d’un manque au niveau du temps d’apprentissage, d’un manque au niveau des outils pédagogiques (...)” énumère Chahed.

Tout cela a créé des phénomènes nouveaux dans les écoles comme la violence, la consommation de drogues ou les suicides mais aussi une baisse de la qualité du système éducatif.

Face à ce constat, le gouvernement a mis en place une stratégie basée sur 7 axes. Parmi ces axes, la mise en place d’un fonds de 500 millions de dinars pour l’entretien des infrastructures éducatives, la mise en place d’un système spécial de formations pédagogiques dédié aux instituteurs, le lancement du programme de “l’école de la deuxième chance” pour ceux qui ont quitté l’école et qui souhaitent la reprendre ou encore la réforme du temps d’apprentissage.

Revenant sur la tension entre le ministère de l’Éducation et le Syndicat de l’enseignement secondaire, le chef du gouvernement affirme comprendre les préoccupation des enseignants mais que leurs revendications doivent être “dans le cadre du possible”: “Nous refusons que nos enfants soient pris en otage dans le cadre des négociations”.

Par ailleurs, Youssef Chahed a appelé à l’instauration de “la discrimination positive telle qu’inscrite dans la constitution”: “Les chances de nos enfants dans les régions intérieurs sont beaucoup moins élevées que celles des autres dans l’accès aux grandes universités (...) C’est pour cela que nous allons étudier la possibilité de réserver des places dans les grandes universités dès la rentrée prochaine au profit des bacheliers des régions de l’intérieur”.

Sa vision du rôle de l’État

Après avoir exprimé les réformes en cours, Youssef Chahed annonce sa vision du rôle que doit avoir l’État.

”Je vous annonce maintenant les réactions à mon discours. Certains vont sortir et parler de libéralisme sauvage, d’autres diront que cela ne prend pas en considération le volet social, que ce sont les directives du FMI, que l’État va abandonner son rôle social mais tout cela n’est pas vrai”.

“Je ne suis pas pour un libéralisme sauvage qui annihile le rôle de l’État ou qui restreint son rôle social. Ce n’est pas ma vision du rôle de l’État” a-t-il avancé avant de nuancer: “Mais je ne suis pas non plus pour un interventionnisme à outrance de l’État”.

Le chef du gouvernement développe: “L’État doit veiller au développement, avoir un rôle de régulateur, protéger des secteurs stratégiques et avoir des services publiques qui ne doivent pas lui échapper” mais “l’État doit aussi avoir un rôle social au coeur de ses préoccupations” d’où le programme social présenté dans le document donné aux députés:

“Il y a aujourd’hui en Tunisie des personnes qui vivent dans des conditions difficiles et qui ne peuvent attendre la reprise de l’économie. Le rôle de l’État c’est d’être aux côtés de ces gens. C’est pourquoi nous avons mis en place le programme d’assurance économique et social qui se base sur 3 axes: un revenu minimum pour ces familles, une couverture médicale complète et l’aide au logement”.

Yassine Bellamine

https://www.huffpostmaghreb.com/entry/face-aux-deputes-youssef-chahed-la...